11/11/2009

Antoine DE CASTELNAU DU LAU


Antoine de Castelnau est né de l'union,en 1415, de Raymond dit Ramonet de Castelnau, seigneur de Bats et de Jupoy et de Jeanne de Marsan dame héritière de de la terre de Lau en pays de Tursan, à quelques kilomètres à l’ouest d’Aire sur l’Adour, sur un éperon boisé dominant le village de Duhort-Bachen.
Né au plus sombre de la guerre de Cent Ans et de la domination anglaise sur la Guyenne, vaillant et expérimenté capitaine mais aussi fin politique, il fut un compagnon de jeunesse de Louis XI. Il sut gagner sa confiance alors que celui-ci, encore dauphin et en révolte contre son père, s’était réfugié dans le Brabant, sur les terres du duc Philippe de Bourgogne, durant les cinq dernières années du règne de Charles VII. Sans doute servit-il déjà, avec Jean, le bâtard d’Armagnac ou Robert de Gramont, comme conseiller au gouvernement du Dauphiné entre 1447 et 1456 alors que le dauphin y séjournait en exil dans son apanage, et peut-être même dès la campagne victorieuse de celui ci ayant accompagné son père en Gascogne, aux sièges de Tartas et Dax, en 1442.


Le favori du roi

Devenu roi, Louis XI, méfiant, écarta les fidèles de son père et s’attacha des hommes nouveaux de petite noblesse dont fit partie Antoine de Castelnau du Lau. (1) fait aussitôt chevalier banneret. Celui-ci devint même favori du roi qui le combla de faveurs pour son état et ses services, faisant de lui un des plus puissants seigneurs du royaume par son crédit et par ses richesses.
 « … plus aimé de luy, que oncques n’avoit esté autre, et à qui le Roy fit de moult grands biens, tant qu’il fut autour de luy, et de son service ; car en moins de cinq ans, il amenda des biens du Roy de trois à quatre cens mille escus d’or » (2)
On lit même que « pendant le temps que le Roy se tenoit à Paris, le seigneur du Lau estoit le mignon du Roy, et s’habilloit pareil de luy » (3), ou l’inverse, puisque le roi « pour faire savoir à Antoine du Lau quelle amitié il lui portait, se plaisait à se vêtir d’un habit pareil au sien » (4). Le roi commandait en effet, et faisait confectionner des habits pareils aux siens, qu’il lui offrait à l’occasion des cérémonies ou entrées solennelles de villes. Mais s’agissait-il vraiment de témoignage d’amitié ou de mesure de sécurité ?
La chronique de Louis XI (Mélanges de Clérambault) dit qu’il couchait ordinairement avec le roi…sans soupçon de connotation sexuelle s’entend, car à l’époque un favori bien en vue avait l’insigne honneur de dormir dans la chambre royale et parfois dans le même lit. Nommé conseiller, Grand Chambellan et Grand Bouteiller de France, (Il fut le dernier titulaire de cet office), appelé Monseigneur du Lau par Philippe de Commines dans ses Mémoires, il avait en effet accès permanent à la chambre du roi. Outre la très grande proximité avec Louis XI, ses fonctions honorifiques en faisaient l'un des grands et principaux officiers de la couronne de France, scellant chartes et actes royaux. 
Dès 1461 il obtenait les titres de prévôt et capitaine de Dax et Saint-Sever, Monségur en Bazadais, puis de Sénéchal de Guyenne, des Lannes, et du Bazadais. A ce titre, il était au coté du roi lors de son séjour entre Bordeaux et Bayonne de février à mai 1463. (Entrée solennelle à Dax le 18 mars).  A cette occasion, Louis XI lui confirma le don fait par Charles VII, en 1452 après la reconquête du duché de Guyenne, de la terre et seigneurie de Duras conquise et confisquée sur Gaillard de Durfort, du parti anglais, condamné au bannissement et émigré en Angleterre.
Il reçut également en don les autres possessions des Durfort qu’était Villandraut, puis, en août 1463, la terre et seigneurie de Blanquefort confisquée sur Antoine de Chabannes, comte de Dammartin, qui payait sa fidélité à Charles VII. En 1464, Louis XI lui donnait les terres de Pierre de Montferrand avec la capitainerie et le revenu de la châtellenie de Falaise
Par une quittance du 13 mars 1463 il reconnaissait avoir reçu du Roi une somme de 20 000 livres de monnaie courante de Normandie pour le bien de son mariage avec Jeanne de Fleurigny, dame de l’entourage de la reine Charlotte de Savoie et fille d’un ancien conseiller et chambellan de Charles VII. La dot se son épouse lui apporta plusieurs seigneuries, fiefs, et terres dans le comté de Dreux. De même, en 1464, Louis XI lui fit payer 4 800 livres de rente, puis 10 000 livres en 1465, et pareille somme en 1466.
Les largesses royales lui permirent ainsi en 1465 de racheter à Gaston  de Foix-Béarn vicomte du Marsan, la seigneurie de Renung  et les terres de Duhort  pour trois mille écus d’or, puis de rebâtir le château du Lau.

la façade intérieure du château du Lau à Duhort-Bachen


La disgrâce et deux ans dans les geôles de Louis XI

Pourtant, le temps des faveurs et largesses ne dura pas, et vint le temps de la disgrâce. Louis XI avait entrepris une campagne militaire en Bourbonnais pour vaincre la révolte des grands féodaux contre le pouvoir royal, dite Ligue du Bien Public. Antoine du Lau y participa, à la tête de sa compagnie régulière de 100 lances d’ordonnance, et fut présent à la grande bataille de Montléry en juillet 1465 contre le parti bourguignon. Mais son rôle d’agent double devint trouble et ambigu dans les intrigues qui suivirent. Il fut alors accusé d’avoir servi, au cours des négociations, de lien secret entre les princes révoltés et la maison d'Anjou. Mis au courant de la conspiration tendant à ce que le duc de Nemours, Jacques d’Armagnac, enlève le roi lors de son séjour à Montluçon, il n’en dit rien à celui-ci, et même continua à entretenir de secrètes intelligences avec le parti des princes, dont une conférence avec Charles le Téméraire alors comte de Charolais. On interrogea un certain Bauquet, son serviteur, emmené de sa prison de Loches à Château-Gaillard, pour faire la vérité sur "l'eschappement du sieur du Lau". Ainsi, bien qu’ayant fait en sorte de "conserver son estat et son fait, et pour toujours demourer en son entier", " ledit du Lau honnoura mal veu, quant il voulut mettre en servitude le roy, et qui tant luy avoit fait de biens et honneurs"


Devenu suspect de trahison au roi dans le complot, convaincu de « certains grans crimes… rebellion et désobeissance, et par ce moyen ayant forfait », il fut arrêté le 10 mai 1466 près de Clery par Jean de Vendôme seigneur de Chabanais, alors qu’il s’enfuyait déguisé. D’abord conduit et enfermé au château de Sully-sur-Loire, il « en fut tiré (en octobre 1467) par le commandement du Roy … et mené au chasteau de Husson (Usson) en Auvergne, mais le bruit fut grand que ledit seigneur du Lau avoit esté noyé ; ce qui continua longtemps » (5). Il y était pourtant toujours deux ans plus tard.
Louis XI ordonna même, mais en vain, au bâtard de Bourbon, amiral de France, de construire une cage de fer pour l’y enfermer et éviter qu’il s’échappe. Averti du danger qui le menaçait, le baron du Lau, aidé de complices et ayant soudoyé ses gardiens, s’évada effectivement peu après, en mai ou juin 1468. Les complices présumés de cette évasion furent condamnés à mort : Le gouverneur du château d’Usson fut décapité à Loches en juin 1468, son beau-fils   à Tours, et le procureur du roi à Meaux.


En Flandre chez le Duc de Bourgogne

Après son évasion, Antoine de Castelnau prit le parti des princes de Savoie (comtes de Bresse et de Romont) contre Yolande de France régente du duché. Ses possessions confisquées (6), il se trouva réfugié à Chambéry conquis par le Comte de Comminges gouverneur du Dauphiné envoyé par Louis XI au secours de sa sœur.
Il se rendit ensuite auprès du duc de Bourgogne qu’il servit et conseilla. Ainsi était-il présent « en sa sûreté nonobstant la venue du roy », à la fameuse entrevue d’octobre 1468 au château de Péronne en Vermandois lors des négociations du traité de paix entre Louis XI et Charles le Téméraire. Ce dernier tenta même d’inclure au traité un article en faveur de Castelnau pour « qu'il fust dit que ses terres et estats lui seroient rendus, comme ils estoient avant la guerre ». Il accompagna quelques jours plus tard le duc de Bourgogne dans l’expédition et la mise à sac de la ville de Liège révoltée.


Le lieutenant général et gouverneur du comté de Roussillon

Antoine de Castelnau trouva pourtant moyen de rentrer dans les bonnes grâces du roi, à tout le moins négocier son retour et abolition en août 1471, « sans qu’on puisse découvrir s’il dut ce retour à sa justification ou à l’inconstance du prince ».  Par lettre patente du 14 février 1472, Louis XI ordonna la restitution des biens précédemment donnés puis confisqués en 1466 et 1467, et lui permit d’acheter, moyennant 24 000 écus d’or, la charge de gouverneur du Roussillon disputé au roi d’Aragon.
Mais le Roussillon qui supporta mal la domination française, le despotisme et les exactions de son gouverneur, se souleva en 1473. Le roi Jean II d’Aragon en personne vint avec ses troupes au secours des rebelles et se rendit maître de la ville de Perpignan. Une première armée royale conduite par Philippe de Savoie, comte de Bresse vint au secours du seigneur du Lau et mit le siège devant la ville. Malheureusement, du Lau eut alors « la maladresse » d’être fait prisonnier le 21 juin en tentant d’enlever un convoi de secours aux assiéges, et fut envoyé sous escorte à la forteresse de Miravet en Catalogne. Sa captivité ne prit fin qu’en octobre après la conclusion d’une trêve, mais il n’était plus gouverneur. Perpignan fut à nouveau assiégé à la fin novembre 1474, et capitula le 10 mars 1475.


Le sénéchal de Beaucaire et Nîmes

La « brouillerie » avec Louis XI dissipée, Castelnau n’en demeura pas moins désormais tenu éloigné de la Cour et de la familiarité du roi qui avait pardonné mais pas oublié. Après sa déconvenue de Perpignan, il fut nommé Sénéchal de Beaucaire en résidence à Nîmes, avec une pension annuelle de 4 000 livres. Il y fit son entrée solennelle en décembre suivant accompagnée d’une suite d’un grand nombre de gentilshommes. 
Continuant à servir mais vieillissant, il ne se distingua plus dans les chroniques, si ce n’est en 1476 à Nîmes lorsque le feu ayant pris dans sa chambre, ses habits, bagues et joyaux furent consumés et amenèrent le diocèse à l’indemniser de cent cinquante livres tournois. Cette même année, le duc de Nemours avoua lors de son procès qu'il avait, avec la complicité du sire de Lau, tenté d'enlever Louis XI à Saint-Pourçain et à Aigueperse. Lequel Antoine de Castelnau fut même convoqué à Paris pour témoigner et, sous serment sur les reliques de la Sainte Chapelle …et la croix de saint Laud, de révéler ce qu’il savait des complots, en confirmant ce qu’il avait confié à Jean II duc de Bourbon à Péronne. Ce qui fit écrire à Michelet dans son Histoire de France : « M. de Châteauneuf, un intime de Louis XI, qui de longue date vendait ses secrets »

Si l’on ne parle plus de lui, on le retrouve cependant en 1483, après la mort de Louis XI, membre du premier conseil « étroit » de régence du jeune roi Charles VIII. Il y assista ensuite à une quinzaine de séances jusqu’au 19 août 1484, quelques semaines avant sa mort en septembre.

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NOTES


(1) Tout comme d’autres gascons landais accompagnant Jean de Lescun dit le bâtard d’Armagnac, tels Georges de Mesmes de Ravignan, et Jean de Gourgues,  nommés gentilshommes de la Chambre - Jean de Pardaillan vicomte de Juliac -  Jean 1er du Lion seigneur de Campet par mariage, conseiller et chambellan de Louis XI en 1468, et son frère Gaston du Lion seigneur de Bezaudun, sénéchal de Saintonge en 1461 puis de Guyenne, Landes et Bazadais en 1468 à la suite de la disgrâce d’Antoine du Lau..…
(2) Bernard de Girard du Haillan -Histoire générale des roys de France – Livre XXV-1627 ;  Jean de Roye - Chronique scandaleuse –ed. 1747.
(3) Mémoires de Messire Olivier de la Marche- 1566.
(4) Prosper Brugière de Barante - Histoire de ducs de Bourgogne- 1826.
(5) Bernard de Girard du Haillan - Histoire générale des roys de France -1627.
(6) C’est ainsi que le trésor confisqué du château de Villandraut fut attribué par Louis XI à Gaston IV de Foix., vicomte de Béarn et Marsan. Comprenant la vaisselle d’argent et d’or, les tapisseries, l’orfèvrerie, les livres précieux, et la lingerie, il fut apporté au château de Mont-de-Marsan où le contenu de sept coffres de fer fut inventorié à la mi-novembre 1467 en présence du vicomte et du sénéchal Jean de Benquet.

A LIRE

Candice L’Huillier: Antoine de Castelnau, Seigneur du Lau (Mémoire de maîtrise - Université de Paris IV Sorbonne- 1993). Un résumé en a été publié dans le bulletin de la Société de Borda 1998 (1er trim - pp 7-34)
Abbé J.-C. Tauzin : Louis XI et la Gascogne – 1461-1482 – dans la Revue des questions historiques – nouvelle série –Tome XV-Paris 1896( pp  403-441)
Mémoires de Messire Philippe de Commynes
Chronique de Louis XI de Jean de Roye, dite Chronique scandaleuse.

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